Nous verrons face à face

Le réaménagement de la chapelle de Saint-Hugues
5 décembre 2025 par
Nous verrons face à face
Com CVX
| Aucun commentaire pour l'instant


C’est la fin du mois d’août, le silence du début de la nuit, il fait encore chaud mais sans excès, une légère brise caresse la peau et semble apporter quelques fines senteurs venues du jardin aromatique, que je suis en train de longer. C’est la première soirée au centre Saint-Hugues, pour ma retraite annuelle, et après une installation rapide dans ma chambre, un bon diner - déjà en silence ! – une présentation chaleureuse des retraitants et accompagnateurs, et de ce qui nous attend pour la semaine … je me hâte avec lenteur vers la grande chapelle, car je suis impatient de la retrouver !

Je tire la poignée de la porte qui s’ouvre souplement, et avance d’un pas à l’intérieur : je m’attendais à l’obscurité, mais non, je suis presque ébloui par le souriant visage de Marie, qui m’accueille en face de moi, dans un disque d’une vive lumière dorée. Surpris, je la salue à mon tour avec respect et tendresse, puis m’approche du tableau d’Arcabas : il est maintenant éclairé par un projecteur qui dessine un rond de lumière presque parfait sur le centre de la toile, diffusant l’or qui entoure la silhouette de Marie et sa couronne, le diffractant en mille éclats qui lui donne relief et – presque - vie ! Et puis les autres couleurs apparaissent, le dégradé orangé du ciel, les bleus de son manteau, l’incarnat de ses lèvres, le noir intense de ses yeux rieurs. Le même noir que celui des yeux de l’enfant Jésus, plus timide peut-être, encore nouveau-né en tout cas.

Peu à peu mes propres yeux s’habituent à la pénombre qui baigne le reste de la chapelle, et je suis attiré par ces autres tâches de couleurs, plus discrètes sans les feux d’un projecteur, qui descendent de la voûte. Levant la tête, je vois que ce sont les mêmes que celles du tableau : des orangés, des bleus, des jaunes dorés, et le noir – au moins à cette heure – des baguettes de plomb qui sertissent ces nouveaux vitraux. Demain - c’est sûr ! - le soleil les enflammera, et les couleurs irradieront dans toute la chapelle ! A bien y regarder les vitraux ne couvrent pas toute la surface de la partie inclinée du toit, ils emplissent les quatre angles d’une vaste croix dessinée par de grosses poutres qui enserrent elles-mêmes un espace vitré translucide. Cette grande croix qui sépare le sol et le ciel – ou qui les unit peut-être ? – est vide : où est passé Jésus ? Il est toujours là, sur le mur, à côté du tabernacle. Ses bras ouverts ne sont plus cloués sur une croix sanguinolente, mais ils embrassent déjà l’assemblée des Saints qui se réunit là …

Bon, c’est vrai, pour le moment les bancs sont vides, mais lui, Jésus est déjà là : il attend, il nous attend, avec sa mère ! Les bancs justement ; je n’y avais pas prêté attention jusqu’ici. Ils sont si clairs, si lisses, qu’ils reflètent le peu de lumière disponible, un bois cérusé peut-être ? Et surtout ils sont en rond : demain pendant l’office, je verrai les visages de Barbara, de Domitille, d’Alain, mes compagnons de retraite, plutôt que leur dos ; leurs yeux plutôt que leurs nuques, et nous prierons ensemble celui qui a promis être « au milieu de nous » lorsque nous sommes rassemblés. En rond les bancs ? En fait pas tout-à-fait : un rond un peu aplati, une ellipse plutôt. C’est donc tout un espace qui est « au milieu », entre deux foyers, deux cierges en tout cas, éteints ce soir, mais qui demain illumineront l’ambon d’un côté, où sera proclamée la Parole et l’autel de l’autre, où le pain de l’eucharistie sera partagé. L’ambon et l’autel, taillés dans un bois différent, couleur miel (« il ruisselle de lait et de miel, et voici ses fruits… »), en le caressant je sens combien il est brut et comme bosselé en haut, plus lisse en bas. Et puis il y a ces profondes entailles, en forme de douces vagues qui semblent unir les deux tables, le lac de Tibériade peut-être, ou les ondulations du filet de pêche de Pierre (« Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ») ?

Ce soir, dans la pénombre, je vois de manière un peu confuse, mais j’ai hâte que demain les bancs se remplissent, que nous nous voyions face à face (Cf 1Co 1312), que les cierges s’illuminent et que le feu s’allume en nos cœurs !

Bruno, membre de la communauté régionale Provence Méditerranée Corse

↪️ Revenir à la newsletter

Se connecter pour laisser un commentaire.